Son œuvre littéraire
L'œuvre littéraire de Jean-Marc Tera'ituatini est riche, abondante, sensible, complexe, engagée. Ici, il s'agit d'exposer ses ouvrages écrits entre 1992 et 2011. Pour cela, j'ai pris la liberté de reprendre les textes de présentation rédigés par Stéphanie Ariirau Richard. Voir "Le blog d'Ariirau (http://www.ariirau.com).
A mes yeux Stéphanie est actuellement la seule ma'ohi doctorante en Lettres qui est en mesure de comprendre, d'étudier et d'apporter un regard critique objectif sur l'œuvre de Jean-Marc. Elle l'a lu, elle l'a cité, elle l'a raconté maintes et maintes fois. Ses qualités d'écrivaine ainsi que sa parfaite connaissance de la littérature en générale et polynésienne en particulier ne pouvait que m'inciter à me tourner vers elle. D'autant que c'est l'auteur du pays qui possède un blog où chaque internaute peut retrouver des informations et des textes en rapport avec mon frère. Cela méritait d'être souligné.
Normalement on peut trouver ces ouvrages sur www.hiroashop.com, si ce n'est pas le cas, il suffit d'utiliser google pour trouver d'autres sites.
L'allégorie de la natte, (<<ou le Tahu'a parau tumu fenua dans son temps>>) 1993 : Publication bilingue en Français & en Tahitien, issue d'une communication faite en 1992 à un colloque de Recherche scientifique. Les 20 années qui suivront, la démarche de l'écrivain reposera sur ce texte essentiel. Le tressage symbolise l'entrecroisement des contraires sans aliénations (un idéal); il s'agit de tolérance et de multitude. C'est ainsi que l'écrivain touchera à tout : théâtre, légendes, romans, biographie, essais satiriques et politiques. L'allégorie propose 3 chemins qui mènent à la grotte du savoir. Il y a celui qui vient de la montagne, celui qui vient de la mer, et celui qui vient du cœur : Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun a choisi le 3ème. Dans cet essai, l'écrivain laisse parler son cœur, il s'ouvre aux songes et à l'irrationnel. Pour cet auteur engagé, la culture polynésienne est loin d'être perdue. Elle est au contraire bien vivante en chaque polynésien, qui en détient une part et dont il faut simplement rassembler et tisser les morceaux épars, comme on fait une grande natte. Mais pour pouvoir comprendre cette culture éclatée, pour pouvoir tresser la natte, on doit se débarrasser de tout préjugé, accepter l'irrationnel et le sacré. (Stéphanie Ariirau Richard).
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Le Sale Petit Prince, <<pamphlets blancs>>, 1995.
Textes satiriques qui sont toujours d'actualité sur les syndicats, la religion, les politiques, les femmes, la corruption, la pensée unique. Le "sale petit prince" est emprisonné, hargneux, il passe son temps à écrire sur son pays, il est impossible de ne pas y reconnaître les personnalités politiques. On retrouvera le thème de la prison avec <<Le Bambou noir>>. Articles accompagnés d'illustrations d'Aimeho, de Mag, Munoz, Quibé… Ces articles sont issus de l'anciennement "Echo de Tahiti. C'est en lisant <<le Sale Petit Prince>> qu'on peut comprendre que Pambrun était un écrivain libre qui ne craignait rien, pas plus les hommes de pouvoir que les défenseurs de la bonne morale. (Stéphanie Ariirau Richard).
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La fondation du marae 1998. Le scolopendre ou "Veri Tara", est l'animal gardien de la famille de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun, qui dans ce texte, lui accorde la vertu de puissance. La légende de la fondation du Marae mêle le fantastique au mythe; on y retrouve tous les éléments de la pensée imaginaire polynésienne qui sont ceux de la métamorphose, de la fécondation, de la transgression du tapu et des ses conséquences : C'est un incontournable de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun. Comme l'Allégorie de la Natte, l'édition est limitée et il faut savoir que les couvertures ont été dessinées par l'auteur lui-même avec une grande minutie. Pambrun pouvait passer des heures à dessiner et parfois repasser sur <<un bout de natte>> qui ne lui convenait pas. Les couleurs sont également choisies avec précaution, le <<guerrier écrivain>> vivant dans un monde riche de symboles. (Stéphanie Ariirau Richard).
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C'est une terre ma'ohi, 2001, poème. Magnifique ouvrage illustré des photos de Michel Chansin. On ne peut rester insensible à ce poème, le plus apprécié des lecteurs de Pambrun. Je ne trouve pas les mots pour le décrire, tellement il regorge d'émotions. Ici Pambrun exprime sa plus belle déclaration d'amour à sa terre : <<Tahiti n'est pas un pays qui se lève avec ses couleurs, c'est une terre ma'ohi qui se répand sur ses douleurs, en tranche épaisses de basalte, pour empêcher que son chagrin, ne vienne gronder sous l'asphalte, et y répandre son venin. (Stéphanie Ariirau Richard).
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La Nuit des Bouches Bleues, 2002
Un texte exceptionnel, rythmé et beau : Première pièce de théâtre de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun qui aurait mérité un prix littéraire et dont on aurait du faire une plus grande promotion. La pièce, accouchée dans la douleur, a failli ne pas être jouée à cause, encore une fois, d'une intervention politique bien mal intentionnée; c'est finalement et heureusement à Moorea que la <<Nuit des Bouches Bleues>> prendra vie. Une jeune femme s'endort, elle rêve : apparaissent alors deux personnages principaux, une fée bretonne et un guerrier Ma'ohi Rua Tini. Dans un dialogue sensuel et puissant, chacun brode un discours émotif et réfléchi sur la culture, l'humanité, le colonialisme, la richesse des mondes. (Stéphanie Ariirau Richard).
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Edition 2003
Edition 2009
Les Parfums du Silence, Prix Littéraire Ouessant, 2003, réédité en 2009, ironiquement seul ouvrage édité sous un pseudonyme <<Etienne Ahuroa>>! Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun a fait ce choix, car il a été exclu dans son propre fenua et ne savait pas si quelqu'un allait l'éditer. Cette pièce est née d'un rêve dans lequel Paul Gauguin lui a rendu visite; "Les parfums du silence mettent en scène huit Marquisiens qui évoquent à leur manière les circonstances de la mort de Paul Gauguin, le 8 mai 1903 à Hiva Oa, la veillée funèbre et son enterrement. Au-delà de l'évènement, ils parlent entre eux de l'homme, du souvenir qu'il leur laisse déjà, des blancs et, d'abord et avant tout, d'eux-mêmes". Jean-Marc Tera'ituatini aimait à dire qu'il a <<gommé le blanc pour mettre en avant les Polynésiens>>. Ce prix littéraire métropolitain accordé à un écrivain polynésien a légitimé Jean-Marc Pambrun dans le monde du livre, hors de nos frontières, même s'il existait bien avant. Ces ouvrages sont désormais disponibles dans les données bibliothécaires françaises (Stéphanie Ariirau Richard).
Cette pièce qui devait se jouer à l'époque aux Marquises avec des comédiens locaux a subit, elle aussi, le courroux politico-religieux exercé par certaines personnes tant de l'archipel Marquisien que de Tahiti. A ce jour elle n'a pas encore été jouée (Jean-Loup Ra'i-atea Pambrun).
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Huna ou secrets de famille, 2004.
On change de style. <Ces nouvelles tressent tradition et modernité; elles sont, pour la plupart, inspirées de faits réels, mais aucun nom n'est cité, plus par pudeur que par crainte du litige, d'où le titre <<secrets de famille>>. On y retrouve le décalage douloureux entre des Tahitiens attachés à leurs convictions culturelles, leurs façons de considérer le monde, et une justice qui défend d'autres valeurs. La plupart de ces nouvelles, parfois humoristiques, parfois dramatiques, décrivent un monde polynésien réel qui cohabite sans cesse avec le rêve, une sorte de quatrième dimension. (Stéphanie Ariirau Richard).
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Le Bambou Noir, 2005, "LE" roman polynésien. C'est l'histoire de la formation, de l'ascension sociale, de la chute et du bannissement d'un jeune Tahitien pétri de révolte et d'idéaux, à la vocation de peintre singulièrement contrariée par l'histoire politique et sociale de son pays. Une narration bourrée d'images, de couleurs. Une boule de sensibilité et de sensualité explose, Pambrun fait de l'érotisme sans vulgarité, du fantastique sans exagérer. Il est à la fois mesure et démesure. <<Le Bambou Noir>> dévoile notre société, on y retrouve même Gaston Flosse, Jacqui Drollet, Oscar Temaru, sous des jours inattendus. Attention, ce n'est pas une biographie de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun. Celui-ci apparaît à un moment précis du roman sous un autre nom et l'écrivain le fait mourir de façon bien pathétique. Pambrun aimait jouer avec l'imagination des autres. (Stéphanie Ariirau).
"Ce n'est pas exagéré que de considérer Le bambou noir comme une véritable révélation de la littérature polynésienne contemporaine : il s'impose narrativement, idéologiquement, symboliquement. Il présente le traitement d'une culture, d'un peuple sondé de l'intérieur, il dénonce. L'auteur décompose l'exotisme collant, collé, réductionniste et affligeant imposé à toute une génération d'écrivains polynésiens contemporains. Le Tahitien, c'est l'étranger, c'est nous". (Stéphanie Ariirau).
Extrait du Bambou noir : "Le froissement de la guirlande de 'auti sur l'oreiller l'a tiré de ses réflexions. Il s'est levé, l'a ôtée de son cou et a cherché un endroit pour la suspendre. Il a avisé sa lampe de bureau qui était restée allumée. Il y a accroché le cordon de feuilles et s'apprêtait à éteindre la lumière et à s'en aller, mais, attiré par le dessin sous verre qui décorait toujours la surface de son bureau, il s'est ravisé et s'est assis, habité soudain d'une grande tendresse pour son œuvre inachevée. Il a ouvert les doigts de sa main gauche et les a passés sur toute la surface du verre, en le caressant à peine, juste pour en ressentir les moindres vibrations. Et puis, il s'est mis à parler à son dessin pour lui faire partager une évidence toute simple : il était bien le seul à l'avoir accompagné durant ces dix dernières années et à avoir progressé. Il a retiré le verre et a porté l'esquisse à ses narines. Elle avait l'odeur un peu piquante du bois humide. Il a pris un crayon et en a posé la pointe à la base du menton du tiki, ou plutôt de l'idole censée représenter Alexandre.
Il a tracé deux lignes tremblotantes, verticales, parallèles et espacées de quelques millimètres pour figurer l'écorce d'une tige de 'auti. Il les a reliées l'une à l'autre par une série de caractères hélicoïdaux destinés à donner l'illusion d'une torsade. Enfin, il a esquissé au sommet de la tige un bouquet de plusieurs feuilles alternes. L'ouvrage terminé donnait l'impression que le tiki, incrusté dans le feuillage, était devenu l'esprit de la plante. Le Tahitien a éteint la lumière, s'est accoudé pour prendre son front entre ses mains et a fermé les yeux. Il n'avait plus envie de penser" (pp. 160-161).
Référence : http://jacbayle.perso.neuf.fr/livres/2005/Pambrun_5.html
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La Naissance de Havai'i, 2006.
Légende de la création du monde dans la conception polynésienne (par Taaroa), dédiée à sa fille Hinatea et à tous les jeunes de notre pays. Traduit en tahitien par Winston Pukoki de l'académie tahitienne et préfacé par Sylvia Richaud. Ce texte est un plaisir esthétique, écrit en vers, mais aussi un plaisir pour les yeux, grâce aux magnifiques illustrations de JL Bousquet. On parle souvent de transmission de la culture : voici un incontournable que nous devons lire. L'objectif est bien <<d'apprivoiser de nouvelles générations de Polynésiens pour les familiariser à leur propre histoire commune>> (Sylvia Richaud). Cette légende illustre des valeurs à transmettre à nos enfants, à intégrer dans notre vie contemporaine : la persistance, le désir, le courage, la création et la force. (Stéphanie Ariirau Richard).
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Francis Puara Cowan, 2007
Le maître de la pirogue polynésienne, autobiographie recueillie. Cette autobiographie révèle l'intérêt de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun pour les êtres d'exception. Il a voulu rendre hommage à un homme qui lui a inspiré le respect. On sent, en lisant l'autobiographie, qu'il s'agit bien de la voix de Francis Puara Cowan et non celle de Pambrun qui s'est effacé en toute humilité pour donner à l'ouvrage la plus grande sincérité possible. Illustré de photographies d'archives, le parcours de Francis Cowan, sa construction de la pirogue, sa traversée de la vie, sa traversée de l'océan, illustrent le courage, la patience et sans doute y a-t-il la même persévérance chez le navigateur et l'écrivain. (Stéphanie Ariirau Richard).
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Les Voies de la Tradition, Recueil de textes, Manuscrit.com, 2008
Ce recueil regroupe plusieurs textes, poèmes et discours, indépendants les uns des autres mais tous liés par un objectif commun ; Son pays, sa culture. Il s'agit de <<tresser une natte>> virtuelle qui pourra accueillir toutes les réflexions. Le poème le plus transgressif est <<Les marchands d'identité>> : il dénonce cette manie de vouloir commercialiser, vendre, donner une seule image de l'identité polynésienne. En simplifiant cette identité, pour la rendre plus <<comestible>>, on fait tout simplement de l'exotisme, et on exclue des enfants de ce pays. Il faut <<remonter à la racine>>, et dénoncer <<les marchands d'identité>>. (Stéphanie Ariirau Richard).
Présentation de Manuscrit.com : "Comment composer avec l’ancien et le nouveau, donner toute sa place aux traditions polynésiennes en ce début de XXIème siècle ? Articles, préfaces, discours : Les voies de la tradition rassemble les travaux de Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun sur une vingtaine d’années. Profondément attaché à la culture des Anciens, l’auteur veut rappeler à la Polynésie le bien-fondé de ses traditions. Visionnaire et indépendant, Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun propose une réflexion à la fois spirituelle et poétique qui n’oublie jamais la volonté politique".
Extrait de Manuscrit.com : "Car il est vrai que, même si sur la terre les pierres basculent, tant qu'il y a des hommes qui savent, les lieux d'habitat, de culte, de rencontres communautaires et de pouvoir peuvent être reconstitués. En Polynésie, beaucoup savent encore. Ils appartiennent à toutes les communautés ethniques qui partagent en commun l'idée que c'est la tradition des mots qui est la gardienne des portes de son univers. Elle en commande l'ouverture et assure la fluidité, pour celui qui ouvre son cœur, de toute communication entre les individus, les ethnies et les peuples. Car la tradition des mots est le ciment des trois pouvoirs : le pouvoir des noms, le pouvoir des idées et le pouvoir des symboles. Elle allie le dire au savoir dire et au faire dire. La tradition des mots atteint la perfection quand le pouvoir des idées naît du pouvoir des noms et quand le pouvoir des noms naît du pouvoir des forces visibles et invisibles. La communication devient alors finalité. Le monde de l'audiovisuel et de l'informatique est une des plus belles conquêtes technologiques nées du génie humain propre à l'Occident. Il a ouvert les voies de l'échange sensitif intercontinental et interculturel. Et la découverte mutuelle des êtres se peuple de fascinations lorsque le son et l'image résonnent à l'œil et à l'oreille comme autant de claquements de langue et de bruissements d'épiderme dont l'intensité varie lorsque le visage et le corps du récitant disent vrai. Le point de convergence entre le passé et le présent, le trait d'unification entre l'Occident et les peuples indigènes, n'est pas la machine dont le rôle est de tenter de capter et de restituer les bruits, les ombres et les lumières du monde. Il est dans le désir amoureux et passionné des êtres à porter et à retransmettre leurs vérités mutuelles. Le son le plus pur ou la lumière la plus belle deviennent spectacles pour le monde, lorsque les forces qu'ils contiennent touchent l'âme et surgissent à la conscience de l'homme comme l'enfant qui naît au monde. C'est le pouvoir de l'idée, fondé sur le pouvoir de la nature et de ses signes, qui donne son nom à chaque chose. Lorsqu'un être humain touche à la tradition des mots et à la mémoire vivante, il touche à la vie et à la mort en toutes choses. Le merveilleux qui libère et le bonheur qui fait mourir se confondent. Il faut plus que du courage ou de l'imagination pour faire se rencontrer l'oralité et la caméra vidéo ou tout simplement le lecteur enregistreur. Il faut être irréprochable et savoir ouvrir les portes de son cœur à chaque parcelle du visible et de l'invisible. Les portes du cœur condensent l'infinitude de l'espace et du temps. Les portes du cœur désentravent celles de la connaissance et permettent à celle-ci de sortir du dedans des anciens pour pénétrer le dedans des enfants et fonder leur alliance dans l'unicité du voir. Le grand souffle de la parole est ainsi fait. Il n'a pas de frontières, ses fenêtres innombrables sont ouvertes sur l'univers. Il organise la libre circulation entre le monde des vivants et celui des puissances invisibles. Mais la parole doit être vraie et sa vérité s'élabore par paliers de connaissance et au rythme des marches de l'initiation. Et toutes les portes qu'elle franchit ne s'ouvrent que si le mot est juste et que le nom est approprié".
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La lecture, Fable théâtrale en trois actes, 2009
On peut être surpris en lisant cette pièce de théâtre. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de demander à Jean-Marc Tera'ituatini pourquoi il l'avait qualifiée de <<fable théâtrale>>. Le personnage principal est en train de lire un texte, lorsque l'un des personnages, une femme, surgit hors de la fiction et se met à vivre au rythme de la <<lecture>>. La lecture décrit surtout un artiste peintre métropolitain qui ne se rend même pas compte de ses préjugés sur la femme, sur la Tahitienne l'autochtone ou Ilienne (à toi de voir car les autres îles du pacifique aussi sont concernées donc d'où cette remarque), jusqu'à ce que celle-ci se rebelle et le réveille de son idéale mythique…. (Stéphanie Ariirau Richard).
Présentation Jacbayle : Sur la scène d'un théâtre une comédienne commence la lecture du fragment d'un livre qui expose la rencontre entre une jeune insulaire d'Océanie et un visiteur occidental — trame ressassée du roman exotisant. Le décor est réduit à l'extrême : au centre une chaise et une table pour la lectrice, au fond à gauche un grand tableau représente une jeune femme assise, vêtue d'un pagne blanc et bleu, le visage partiellement dissimulé derrière un éventail.
Très vite, alors que s'ébauchent les circonstances de la rencontre, la lectrice est interrompue par une voix masculine ; le héros du roman tente de se faire entendre pour mettre en doute le fondement du récit où l'auteur a tenté de l'enfermer : « c'est, dit l'Évadé, mon unique chance de donner à ma vie toute sa vraisemblance ». La lecture se poursuit, ponctuée d'interventions de l'Évadé, jusqu'à l'irruption d'une seconde voix ; c'est, cette fois Maïté, la jeune insulaire qui à son tour veut se faire entendre en quittant le double carcan du roman et du tableau — l'auteur présumé était aussi peintre.
Au fil des trois actes qui rythment cette mise en abyme, la lectrice dont la voix a réveillé les attentes insatisfaites de l'Évadé et de Maïté se voit contrainte d'arbitrer un débat sur les implications de la création littéraire ou artistique. Ombres et références hantent l'échange jusqu'à l'ultime rebondissement où il apparaît non sans ironie que l'auteur, le responsable, n'est pas celui qu'on pense. Quant à la morale de la fable, elle est également conçue pour surprendre.
Référence : http://jacbayle.perso.neuf.fr/
Extrait La lecture :
MARYON
« La femme à l'éventail » n'a jamais existé !
Ma lecture n'était qu'un prétexte scénique
Pour tous nous entraîner dans un jeu dramatique.
MAÏTÉ
Alors cette nouvelle a été inventée ?
MARYON
Il a dû en prendre une et il l'a pastichée.
La littérature océanienne est pleine
De ces romans de plage où la belle indigène
Est prétexte à user des plus mauvais clichés.
L'ÉVADÉ
La femme-enfant aussi belle qu'insupportable,
L'occidental cruel, dénué de scrupules …
Le monde n'est pas fait que de grosses crapules
Et d'enfants aux mœurs inexplicables ?
Et quel rôle avons-nous dans toute cette histoire ?
MARYON
Je ne te comprends pas, qu'est-ce que tu veux dire ?
L'ÉVADÉ
Je me sens à l'étroit … et j'ai peine à finir …
Mes mots, ils sont rangés comme dans un tiroir.
MAÏTÉ
Moi aussi, j'ai du mal à libérer mes phrases.
On dirait que quelqu'un les a cadenassées.
pp. 91-92
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L'île aux anthropologues. Petit traité d'anthologie satirique, essai, Manuscrit.com, 2010
Je conseille l'ouvrage aux lecteurs avertis : D'ailleurs tous les anthropologues et sociologues vivant sur l'île s'y retrouveront sans doute, même si Jean-Marc Tera'ituatini Pambrun leur a donné des noms d'oiseaux. C'est un retour à la source puisque l'écrivain a une formation d'anthropologue. Mais le traité <<d'anthropologie satirique>> n'est pas évident à lire. Il est cependant un <<incontournable>>, car il regorge de l'esprit satirique, du caractère humoristique et intellectuel de l'écrivain guerrier. (Stéphanie Ariirau Richard).
Présentation par Manuscrit.com : "Représentation d’un lieu très concret — ici les îles de la Polynésie française — et d’une aire disciplinaire, une contrée virtuelle — là l’anthropologie — l’île dont traite Jean-Marc Pambrun et dont il fait aussi doublement partie — car il est Polynésien et anthropologue — est un ailleurs fictif, un non-lieu, une allégorie. Une île sur laquelle on trouve une espèce de drôles d’oiseaux — les anthropologues —, caricature métaphorique d’une classe nouvelle d’intellectuels née de la famille des naturalistes et des philosophes du Siècle des Lumières".
Extrait de Manuscrit.com : « Quand l’anthropologue occidental vient chez nous, il vient nous parler de nous, mais il ne nous parle pas de lui. Comment pourrions-nous alors rencontrer un homme qui refuse de parler de lui, de sa famille, de son peuple et du pays d’où il vient. Nous n’avons rien à dire à un tel homme. Et si nous voulons parler de nous, il suffit de nous rencontrer entre nous. ».
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Henri Hiro – Héros polynésien, Biographie, Puna Honu, 2010, 504 pages.
Incontestablement, cette biographie est incontournable : Non seulement elle se dévore, page après page, mais en plus, elle est le fruit d'un travail de recherche assidu, elle est complète et honnête dans tous les sens du terme. La bibliographie d'Henri Hiro ne pouvait être aussi riche : Nous découvrons que le théâtre polynésien a proliféré, il est répertorié et décrit, alors pourquoi est-il si endormi aujourd'hui. Humainement, la vie d'Henri Hiro est celle d'un pays. On rit, on s'émeut, on s'interroge. Celui qui n'a pas lu ce livre, ne connaîtra jamais vraiment l'histoire de son pays des années 1950 à 1980; nous avons un aperçu historique, social, politique, religieux incroyable.
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